Le nouveau mandat d'Emmanuel Faber pour réduire le greenwashing

Depuis le 1er janvier 2022, l’ancien patron de Danone, Emmanuel Faber, préside le Conseil des normes extra-comptables internationales (ISSB). Sa mission consistera à mener à bien l’édiction de normes mobilisables par les entreprises sur les aspects sociaux et environnementaux en vue d’apporter davantage de comparabilité aux investisseurs.

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Le nouveau mandat d'Emmanuel Faber pour réduire le greenwashing
Emmanuel Faber a pris officiellement la présidence de l'ISSB le 1er janvier 2022.

C’est un nouveau défi dans la finance durable pour Emmanuel Faber. En octobre dernier, l’ancien PDG de Danone avait déjà rejoint Astanor Ventures, un fonds d’investissement spécialisé dans les entreprises agricoles à impact. Depuis le 1er janvier, il préside officiellement le Conseil des normes extra-comptables internationales, ou International sustainability standards board (ISSB), comme l’a indiqué mi-décembre la Fondation IFRS lors de l’annonce de sa nomination pour un mandat de trois ans.

Le rôle de la Fondation IFRS dans la production de normes à l’échelle internationale n’est pas nouveau. Elle chapeaute déjà l’IASB (International accounting standards board) dont les normes de comptabilité s’appliquent aux entreprises cotées de plus de 140 pays, notamment des Etats membres de l’Union européenne. Lancé à la COP26 de Glasgow en novembre dernier, l’ISSB en est le pendant en matière de comptabilité extra-financière. Emmanuel Faber et ses équipes doivent désormais mener à bien sa mission : celle d’édicter des normes mobilisables par les entreprises en vue d’harmoniser la publication de leurs informations sur les enjeux environnementaux et sociaux. «Cela va fournir des chiffres aux analystes financiers mais aussi aux ONG, ce qui devrait réduire radicalement le bruit du greenwashing», affirme Emmanuel Faber auprès de L’Usine Nouvelle.

Un prototype de normes "climat" dévoilé

Malgré une demande croissante des investisseurs pour la prise en compte des enjeux climatiques, la comparabilité des entreprises est encore une gageure au niveau mondial. «Le climat n’est absolument pas mentionné dans les normes comptables IFRS. Jusqu’ici, à l’échelle internationale, seuls des référentiels non obligatoires existent sur ce sujet. Toutes les sociétés cotées ne les appliquent pas et les investisseurs ont assez peu confiance dans ce que les entreprises publient», observe Emmanuelle Cordano, qui dirige la société CSR4Finance, spécialisée dans l’accompagnement des directions financières sur le reporting extra-financier.

Après avoir reçu 750 contributions d’investisseurs, autorités de marchés et associations d’entreprises cotées lors d’une consultation publique en 2020, la Fondation IFRS a présenté à la COP26 un prototype de normes générales sur l’extra-financier, qui laisse une marge de manœuvre pour tenir compte des spécificités de 70 secteurs. Elle a également dévoilé un prototype de normes « climat », les premières normes concrètes qui verront le jour.

Des investisseurs mieux informés

En septembre 2021, le Groupe consultatif européen sur l’information financière (Efrag) avait déjà publié un premier prototype de standard de reporting sur le climat – en vue d’une publication de ce standard courant 2022 – dans le cadre de la future directive de l’UE sur le reporting de développement durable des entreprises (CSRD). Celle-ci prendra la suite de la directive sur le reporting extra-financier (NFRD). « Il y a peu de risques pour que la première norme internationale sur le climat édicté par l'ISSB soit différente de la norme européenne, car les deux s'appuient sur des référentiels existants sur le climat, comme la TCFD et le CDP, qui sont déjà bien connus, considère Emmanuelle Cordano. Concrètement, les entreprises devront communiquer leurs émissions de gaz à effet de serre pour les scopes 1, 2 et 3, indiquer leurs objectifs de réduction de ces émissions ou encore leur trajectoire de décarbonation.»

Pour Emmanuel Faber, cela assure une diminution du greenwashing, car les entreprises devront se montrer attractives sur leur transformation écologique. «Les investisseurs auront les plans de décarbonation des entreprises. Au bout d’un an, ils verront les entreprises ayant un retard dans leurs investissements. Celles-ci pourront faire des carbon warnings sur le modèle des profit warnings (avertissements sur les résultats), ce qui fera varier le coût du capital, c’est-à-dire des actions», anticipe-t-il. «Pour éviter le greenwashing, il faudra que ces informations soient auditées, ce qui est prévu par les normes européennes mais reste l’enjeu des normes internationales, nuance Emmanuelle Cordano. Pour que ces dernières le soient, il faudra que chaque juridiction rende un tel audit obligatoire.»

"L’interopérabilité est un minimum"

Autre différence : les normes européennes s’appuient sur le principe de « double matérialité » poussant les entreprises à communiquer sur l’impact du dérèglement climatique sur leur activité, mais aussi sur leur propre impact sur l’environnement et la société. Cet aspect n’est pas aussi clairement établi en ce qui concerne les prochaines normes de l’ISSB, la posture initiale des IFRS étant de créer des normes d’abord pour les investisseurs.

Emmanuel Faber se dit toutefois conscient de l’attente des investisseurs et des entreprises pour une certaine compatibilité de ces normes. «Les normes IFRS extra-comptables doivent être une référence à partir de laquelle chaque juridiction peut construire des normes plus détaillées, estime-t-il. Si elles ne peuvent pas être cette baseline commune, elles doivent se traduire de façon simple en normes européennes. L’interopérabilité est un minimum.»

Adoption d'ici 2022

Au premier trimestre de cette année, l’ISSB entend lancer une consultation publique sur ces prototypes de normes générales et climat pour qu’elles soient adoptées avant fin 2022. «Le deuxième gros travail sera une réflexion sur l’agenda des différents champs de normalisation, indique Emmanuel Faber. Après le climat, faut-il travailler sur la biodiversité, la gestion de l’eau, les inégalités salariales ou sur l’inclusion et la diversité ?»

Dans un second temps, l’adoption de ces normes par les pays sera un autre enjeu. Mais Emmanuel Faber n’est pas inquiet sur ce point. Selon lui, l’IFRS dispose d’une grande expérience dans ce domaine et une quarantaine de gouvernements, dont l’Allemagne et le Royaume-Uni, ont déjà déclaré soutenir l’initiative de l’ISSB à la COP26.

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